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Marouane Abassi: « Notre économie est une économie résiliente »

Au programme: les objectifs de la Banque centrale, l’impact de la crise sanitaire sur la politique monétaire, le taux de change, l’indépendance de la Banque centrale, autant de questions soulevées lors de l’émission « Actu+ » dans la journée du jeudi 13 août, sur les ondes de RTCI durant laquelle le gouverneur de la Banque centrale Marouane Abassi a bien voulu répondre..
Marouane Abassi a mis l’accent sur le rôle de la Banque centrale en mettant en avant deux objectifs. A savoir le premier comprend la stabilité des prix. Et le second objectif inclut la stabilité financière.

Cela dit, la question que l’on se pose concerne l’impact de la crise sanitaire sur la politique monétaire. A cette interrogation, il est revenu sur l’état des lieux de la BCT et ce que la banque a fait durant cette période.

De ce fait, il souligne que l’année 2020 a été marquée par une crise économique non seulement en Tunisie, mais à l’échelle mondiale. Plusieurs secteurs sont touchés comme le secteur du tourisme qui a été énormément impacté. Il en va de même pour le secteur du transport aérien, des industries manufacturières, ainsi que les industries mécaniques. Idem pour le secteur automobile.

Marouane Abassi: « La Tunisie a géré des situations extrêmement difficiles »
Avant d’ajouter: « Il est vrai que les activités ont repris. D’ailleurs, on n’est pas à l’arrêt. Même si on continue à exporter, cela se fera dans une moindre mesure parce que les commandes vont devoir baisser au niveau européen ».

Et de poursuivre: « Il faut aussi comprendre que la Tunisie a géré des situations extrêmement difficiles depuis les 9 dernières années. »

Citant ainsi entre autres la transition politique qui était difficile, notamment la révolution et son impact, mais aussi des événements tragiques comme la crise en Libye, les attaques terroristes de 2015. « Ceci a impacté directement le secteur du tourisme. Cela dit, durant les dix dernières années la croissance a été faible, autour de 1 %. Alors qu’ il fut un temps, où on avait des rythmes de croissance autour de 4%, durant les quatre dernières décennies », poursuit-il.

« La Tunisie est un pays ouvert »
Et de continuer: » Avec la crise covid, on se trouve dans une situation plus compliquée. En fait tous nos partenaires commerciaux sont eux aussi dans une situation difficile. Il faut prendre en compte que la Tunisie est un pays ouvert et que notre économie tunisienne est une économie diversifiée. C’est à dire plus de 75 % d’exportation sur l’Europe. Et c’est aussi un pays qui importe plus de 50 % de l’Europe ». On exportera moins certainement.

Il est vrai que la situation économique à l’échelle mondiale est compliquée. Or la grande question que l’on se pose: si la crise perdure, y aura-t-il un rebond dans 6 mois ? A cette interrogation, M. Abassi met l’accent sur l’importance de maintenir les entreprises dans un état où elles peuvent rebondir et être debout avant le rebond.

Avons-nous des chances pour nous ressaisir et profiter de cette crise et faire ce rebond?
Il ajoute: « J’ai toujours dit que notre économie est extrêmement résiliente. Parce que pendant les dix dernières années, nous étions dans des conditions compliquées et difficiles avec une croissance relativement faible. Tout comme on a pu résister sur le plan politique et institutionnel. Donc il y a tout de même certaines réussites. Car j’ai toujours dit que la Tunisie se confronte à ses démons. Il faut savoir qu’avant même le soulèvement de 2011, le taux d’investissement avait baissé. Et quand l’investissement baisse tout baisse. De même pour la consommation et l’exportation.

De ce rapport de l’exercice 2019 de la BCT quels sont les chiffres à retenir?
M. Abassi souligne qu’en 2016-2017, la Banque Centrale a fait en sorte qu’il y ait une politique monétaire un peu moins expansionniste qu’elle ne l’était auparavant. Et de poursuivre: « En 2018, l’inflation était dans une courbe ascendante, et plus encore l’inflation sous-jacente était à des niveaux élevés. Et il fallait intervenir. Le premier outil qu’on avait utilisé était le taux d’intérêt. Or quand il y a une augmentation de ce taux, elle touche à la fois les entreprises, les ménages, les crédits à la consommation. En ce sens que tout coûte plus cher.

BCT: stabiliser les prix
L’objectif premier de la Banque centrale est de stabiliser les prix. Et d’être là pour combattre l’inflation. Ce qui fait qu’entre 2018-2019 il y a eu une politique monétaire relativement efficace. Et elle a permis de contenir l’inflation, mais aussi de changer le niveau même du taux de change. Ce qui était même plus important. A partir d’avril 2019, nous avons commencé à avoir une appréciation relative du taux de change. Ce qui nous a amené à être dans une logique de stabilisation du taux de change.

Pouvez-vous nous parler du terme de « mécanisme élargi dans ce programme » ?
A cette interrogation, M. Abassi souligne: » Le programme élargi remonte à 2012-2013. Or la Tunisie était sous le programme du Fonds monétaire international. La Tunisie avait demandé au FMI de l’aider à financer l’économie. Le FMI s’est montré disponible sous réserve que la Tunisie procède aux réformes nécessaires. Un premier programme s’est achevé en 2016. Un autre a pris la suite, celui de l’IFF et qui s’est terminé au début de 2020. Ce programme a un certain nombre d’objectifs. Dont celui celui d’asseoir la stabilité macroéconomique. Et si vous vous rappelez en 2016-2017 on avait un taux de déficit budgétaire de l’ordre de 6%. Il y a eu quand même un travail important qui a été fait par le ministère des Finances. En 2019, on est arrivé à avoir un taux de déficit budgétaire de 3,5%, qui est tout de même très important, par rapport aux difficultés qu’on avait. En termes de politique monétaire, on a pu stabiliser l’inflation et le change. Mais le plus important était le niveau de refinancement de l’économie alors que nous étions à des niveaux de 16 à 17 milliards de dinars. Aujourd’hui, nous l’avons ramené à des niveaux de 9 à 10 milliards de dinars. Les liquidités sont revenues à des niveaux acceptables. Et puis puisqu’il y a eu une appréciation du dinar, cela a permis aussi de baisser le taux d’endettement. Et également d’augmenter nos réserves en devises. Grâce aussi à une très bonne année touristique (en 2019). A présent, nos réserves de change se maintiennent à des niveaux acceptables.

En 2019, nous avons réalisé un taux de croissance de 1%, qu’en est-il de 2020?
M. Abassi a déclaré : »Normalement, s’il n’y avait pas eu l’épidémie, nous aurions pu avoir un taux de croissance de 3%. Avec la Covid, tout s’est arrêté d’un coup. Pendant deux mois, l’économie était à l’arrêt. Mais la consommation a en revanche augmenté. Les prévisions de 2020 aujourd’hui publiées par le ministère de la Coopération internationale et de l’investissement parlent d’un taux de croissance négatif de l’ordre de -6.2 ou -6.3% pour l’année. De notre côté, nous avons avancé nos chiffres qui déclinent un taux de croissance négatif entre 10 à 12 %. Relatif au 2e trimestre 2020( avril-mai-juin). Malgré cela, nous constatons qu’au mois de juillet l’activité économique a quelque peu repris. Malgré la baisse considérable des recettes touristiques.Qui l’eût cru ? D’autres secteurs ont été impactés par la crise sanitaire comme l’agro-alimentaire, les services, etc. Il ne faut pas croire que les deux mois de paralysie économique dus à la crise sanitaire sont seuls responsables de la baisse du taux de croissance à la fin de l’année au niveau de la baisse du taux de croissance. J’espère qu’il n’y aura pas une deuxième vague mondiale pour le mois de septembre-octobre..

En parlant de stabilisation des prix, s’agit-il d’un signe de bonne santé de l’économie tunisienne? Et comment sortir de la crise économique ?
Ce qu’on a fait au niveau des ministères des Finances ou au niveau de la BCT, comme je l’ai dit précédemment, il fallait stabiliser la macro-économie. Ce qui a donné des effets positifs ? Quand on augmente les taux directeurs, cela affecte directement le financement ainsi que la consommation. Une bonne partie de la consommation ne venait pas de la Tunisie, mais de l’extérieur. C’est ce que j’avais constaté en 2018. Cela a généré une concurrence déloyale due à l’importation effrénée de produits étrangers.

Quand on dit consommation, on dit aussi consommation nationale. Je vais vous dire, il y a 20 ans quand j’étais dans le ministère du Commerce, en tant que conseiller auprès du ministre du Commerce Mondher Zenaïdi, et à cette époque, il y avait le PDG de l’Office du Commerce Ridha Touiti et il y avait en 1955 l’Accord d’association avec l’Europe d’un nouveau réglement tarifaire. Et on savait qu’à la fin de l’exercice qu’on allait démanteler nos tarifs vis-à-vis de l’Europe. Et en 1997, nous avions lancé une campagne « consommons tunisien, le fameux slogan « Elli mouch 3inek hle mouch ken mil barra ja”. Nous étions quatre personnes à travailler sur le projet, il y avait le professeur psychologue Abdelwaheb Mahjoub.

Car on avait quand même une dépréciation importante du taux de change. Et ce qu’on a fait, il fallait stabiliser la situation macro-économique. Or quand on augmente les taux directeurs, cela affecte directement le financement ainsi que la consommation, dont une partie était importée. D’ailleurs, beaucoup d’opérateurs économiques se sont convertis en importateurs de plusieurs produits.

Prenons le secteur du cuir et chaussures, les entreprises de ce secteur étaient en souffrance. Mais quand il y a eu la crise Covid, elles ont repris leur activité. La morale, c’est qu’il faut leur donner les moyens. Et il faut être capable d’avoir une activité économique pour que les entreprises tunisiennes puissent fonctionner. Au niveau de la BCT, on a travaillé beaucoup, on a surtout baissé de 100 points de base et par la suite on est allé vers une ligne afin que les entreprises profitent de liquidités. Et on est allé beaucoup plus loin pour une vraie reprise. Une fois que l’on rentre de la période pré-investir et que les entreprises puissent être capables d’être compétitives à l’échelle internationale.

Pour revenir au taux directeur. D’aucuns disent (surtout PME, PMI) que l’investissement est plombé par le niveau élevé du taux directeur (6,85%). Avez-vous l’intention de le réduire dans le cadre du Plan relance de l’économie ?


Et le Gouverneur de déclarer: « Il faut se rappeler qu’en 2018 le taux d’intérêt réel était négatif. Cela veut dire que le taux d’inflation à l’époque était à 7% et le taux directeur à 5%. Ce qui veut dire aussi que le coût de l’argent n’est pas cher. La situation n’est pas soutenable, l’économie ne peut pas tenir avec des taux d’intérêt réels négatifs. Du coup, nous avons augmenté le taux directeur pour que l’inflation baisse. Or aujourd’hui, on est dans une logique si l’inflation baisse, on baisse les taux. Et si l’inflation augmente, on augmente les taux. Et on n’a pas d’autre choix. D’ailleurs, c’était le seul indicateur. Beaucoup de travail a été fait dans ce sens. Et ce qui nous a permis aujourd’hui d’avoir une politique monétaire plus ou moins réactive. Aujourd’hui, l’inflation est en train de baisser..on va pouvoir baisser les taux.. Cela dit, en 2012-2013, quand les taux étaient en baisse 3% pourquoi il n’y a pas eu d’investissement.. Parce que ce n’est pas lié au taux, mais c’est lié à la conjoncture des affaires, à la visibilité économique du pays, à l’investisseur.. Et puis cela doit être des bénéfices durables.. S’il n’y a pas une bonne visibilité sur la fiscalité ou sur le marché.. En somme, il faut stabiliser tout cela afin de revenir à un environnement favorable à l’investissement. »

A propose de l’indépendance de la BCT , qu’a-t-elle apporté à l’Institut d’émission ?
M. Abbassi a répondu que la BCT a toujours été indépendante depuis le début. Il poursuit: « Quand Habib Bourguiba a placé Hédi Nouira à la BCT, pour lui, la question de l’indépendance de la BCT par rapport au gouvernement ne se posait même pas.Or cette indépendance existait même si cela n’a pas été écrit dans les textes.

La Banque centrale est effectivement indépendante quand elle est capable de protéger vos dépôts. Quand elle empêche la politique de l’instrumentaliser à des fins électoralistes ou personnelles. La BCT est un des socles les plus importants de l’économie. Et la Tunisie depuis l’indépendance a fait le choix d’avoir sa propre monnaie.. Elle n’a pas attendu longtemps pour le faire. Ce qui nous a permis d’être dans une logique de garde-fou à ce jour ».

Source :Nadia Dejoui L’économiste Maghrebin

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